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Qu'est-ce que le syndrome de fatigue chronique ?

Qu'est-ce que le syndrome de fatigue chronique ?

Le syndrome de fatigue chronique : enquête sur une étrange maladie encore méconnue

Le syndrome de fatigue chronique (ou « SFC ») n’est pas une maladie qui fait beaucoup parler d’elle. On peut se méprendre lorsqu’on entend ou lit « fatigue chronique » ci et là, mais le SFC est bel et bien une maladie à part entière, et non un état de fatigue passagère. Ce syndrome n’est finalement reconnu comme maladie que depuis assez peu de temps, ce qui peut expliquer les zones d’ombres qui l’entourent. Bien entendu, on ne se penche pas ici sur une forme rare d’apologie de la fainéantise, ou encore sur un mystérieux et fatiguant poil dans la main. Hélas, la fatigue chronique dont il est ici question est toute autre, difficile à appréhender aussi bien par les médecins que par les malades, et ses origines sont encore incertaines. Les doutes qui l’entourent et sa relative « nouveauté » en tant que maladie reconnue font qu’elle doit être envisagée avec précaution, et que les individus qui pourraient en souffrir doivent être pris en charge au cas par cas, aucune certitude n’existant à ce jour quant à son traitement.

Comment peut-on définir le syndrome de fatigue chronique ?

Le syndrome de fatigue chronique (« SFC »), également nommé encéphalomyélite myalgiqueEM »), est une maladie neurologique caractérisée par un état d’épuisement récurrent pour les individus qui en souffrent. Cet état de fatigue intense et persistante sévit sur le long terme. Les personnes atteintes ne parviennent pas à éradiquer cette sensation de fatigue générale malgré des heures de sommeil (sommeil non réparateur), ce qui entraîne une détérioration de l’état de santé général. Les victimes du SFC-EM se sentent souvent incomprises à cause des difficultés à l’identifier et à ne pas le confondre avec un simple état de fatigue passager, ou alors à parfois le considérer, hélas, comme une fatigue fictive s’apparentant davantage à de la paresse.

Cette maladie, dite « systémique » (activation anormale du système immunitaire), est considérée comme neurodégénérative et implique une intolérance à l’effort physique et cognitif. On a mis du temps à l’identifier en tant que maladie du fait que la fatigue est symptomatique de bon nombre de maladies. Son diagnostic se révèle donc compliqué. On trouve des références du SFC-EM dès les années 1750, mais ce syndrome n’est considéré comme une maladie que depuis 1985, et reconnu par l’OMS (« Organisation Mondiale de la Santé ») depuis 1992.

D’après l’AFSC1(« Association Française du Syndrome de Fatigue Chronique »), il existe à ce jour « 3 diagnostics cliniques principaux du SFC-EM », à savoir :

  • les critères de l’IOM (« Institute of Medicine of the National Academies »), datant de 2015 et définissant la «Maladie ou Syndrome d'Intolérance Systémique à l'Effort » (« MISE » ou « SISE »)
  • les critères consensuels d’encéphalomyélite myalgique, datant de 2011
  • les critères de Fukuda, datant de 1994, ce sont les critères les plus utilisés pour définir le SFC

Que sait-on vraiment du syndrome de fatigue chronique ?|Sleep Hackademy

Pour l’anecdote, les premières références au SFC remontent aux années 1750, et ce dernier a été affublé de très nombreux noms jusqu’à aujourd’hui, notamment « syndrome post-viral », « neurasthénie » (décrite par le neurologue G.M. Béard au 19e siècle ou utilisée par Dostoïevski pour décrire le héros de « Crime et Châtiment ), ou encore, plus surprenant, « syndrome des yuppies » dans les années 80 (pour « Young Urban Professionnals », car il toucherait majoritairement les 20-40 ans). Le SFC, ou quand la fatigue devient une source d’inspiration !

Le syndrome de fatigue chronique en chiffres

Le SFC-EM n’est pas une maladie facile à diagnostiquer, et donc à chiffrer. Néanmoins, une recherche publiée en 20202dans le « Journal of Translational Medicine » a croisé les statistiques de différentes études des 40 dernières années, permettant ainsi de se faire une idée assez précise de la prévalence du syndrome de fatigue chronique. Celle-ci est très faible : 0,89 % de la population en utilisant les critères de Fukuda3. Cette étude transversale permet en outre de dégager certaines tendances :

  • la prévalence est 1,5 à 2 fois plus élevée pour les femmes que pour les hommes
  • le SFC-EM est plus fréquent chez les 18-40 ans (les fameux yuppies !)

Un article de La Revue Médicale Suisse4 corrobore relativement bien ce taux de prévalence, en l’estimant lui entre 0,3 et 0,9 %.

Quelles sont les causes du syndrome de fatigue chronique ?

En ce qui concerne les causes du SFC-EM, autant le dire tout net, c’est là que réside une très grande partie de son mystère ! De nombreuses théories se sont « affrontées » pour identifier les causes de cette maladie : psychologiques, infectieuses, voire même nutritionnelles. Le problème provient en partie du fait que le SFC-EM a des convergences physiopathologiques avec d’autres maladies qui lui sont apparentées, par exemple la fibromyalgie, la dépression ou encore les troubles somatoformes (troubles mentaux caractérisés par de symptômes physiques). Il est ainsi assez ardu d’identifier les causes mêmes du syndrome de fatigue chronique, tant elles sont communes avec d’autres maladies

Cependant, tout n’est pas perdu ! En effet, un changement relativement récent dans la façon de considérer le SFC-EM et dans la manière de l’étudier a conduit à des progrès certains dans l’identification de ses origines. Les études récentes et actuelles semblent enfin converger et tendent à mettre en avant un dysfonctionnement du système immunitaire comme étant à l’origine du syndrome de fatigue chronique, suite à une infection virale ou bactérienne. Le stress oxydatif qui en découle pourrait alors être à l'origine du problème5.

En outre, une étude menée par le Dr M. Hornig, de la « Mailman School of Public Health » de Columbia, a réussi à démontrer le caractère biologique de l’origine du SFC-EM, notamment en identifiant deux biomarqueurs (2 cytokines pro et anti-inflammatoires), présents dans une quantité anormalement élevée en cas de SFC-EM. Il conclut ainsi : « Nous avons maintenant des preuves confirmant ce que des millions de personnes atteintes de cette maladie savent déjà, le SFC n'est pas psychologique ! ». Dès lors, l’utilisation de marqueurs diagnostiques biologiques s’en trouve facilitée, même si ces études demandent encore à être approfondies et confirmées.

De plus, l’idée que l’origine biologique du syndrome de fatigue chronique pourrait provenir « de l’intestin et non de la tête » est de plus en plus favorisée, comme l’illustre cette étude de 2016 parue dans le très réputé « Microbiome6 », de laquelle il ressort que les résultats « indiquent une dysbiose du microbiote intestinal dans cette maladie et suggèrent en outre une incidence accrue de translocation microbienne, qui pourrait jouer un rôle dans les symptômes inflammatoires du SFC-EM ». Ainsi, une bactérie telle que l’helicobacter pylori s’avèrerait être une cause d’infection et d’inflammation (gastrite) à l’origine du syndrome de fatigue chronique.

Syndrome de fatigue chronique : un trouble du sommeil omniprésent|Sleep Hackademy

Il faut également souligner que la fatigue chronique peut « être le signe d’une atteinte de système organique causée par l’alcool » comme le révèle un article de la “Revue Médicale Suisse” de 20157 ». Une consommation excessive d’alcool aurait donc un lien avec la qualité du sommeil (perturbation du rythme circadien), et serait aussi une cause potentielle du SFC-EM de par son impact négatif sur l’organisme.

Enfin, l’apnée du sommeil pourrait, elle aussi, avoir un lien de cause à effet avec le syndrome de fatigue chronique, comme l’explique « L’Abrégé du Consensus Canadien” de 20158» : « un certain nombre de malades peuvent souffrir d’obstruction des voies aériennes supérieures et d’apnées du sommeil ». Ici aussi, on constate un lien de cause à effet car il a été prouvé qu’un marqueur d’inflammation comme la CRP (« Protéine C Réactive ») augmentait dans le cadre des apnées du sommeil. La diminution de la capacité d’adaptation au stress entraîne alors de la fatigue.

On le voit bien, les causes du syndrome de fatigue chronique seraient aussi variées que nombreuses et convergent souvent vers d’autres pathologies ou troubles du sommeil :

  • inflammation systémique
  • immunodéficience
  • altération du microbiome intestinal
  • inflammation neurologique
  • anomalies métaboliques
  • atteintes au système organique

Du plus profond de notre ventre jusqu’à la plus bruyante apnée du sommeil, la fatigue se cache partout, mais pas dans notre tête. Sauf peut-être dans l’imagination des écrivains !

Symptômes et diagnostic du SFC-EM

Pour définir le syndrome de fatigue chronique et caractériser ses symptômes, nous nous concentrerons ici sur les critères de Fukuda, ces derniers étant les plus couramment utilisés et étant majoritairement référencés. Ils sont les suivants :

  • fatigue intense et persistante depuis plus de 6 mois, non-soulagée par du repos
  • diminution des activités quotidiennes d’au moins 50 %

Il faut y ajouter au moins 4 des symptômes suivants :

  • douleurs dans la gorge, rhinite
  • douleurs articulaires, douleurs musculaires
  • troubles cognitifs (mémoire, concentration)
  • maux de tête
  • sommeil non réparateur
  • gonflement des ganglions du cou et des aiselles
  • malaises après l’effort (pendant plus de 24 heures)

D’autres symptômes peuvent être pris en considération, comme ceux du « Consensus Canadien sur l’EM-SFC ». Ceux-ci comprennent la fatigue chronique et la fatigue post-effort, des troubles du sommeil et la présence de douleurs significatives. En outre, le malade doit également présenter au moins 2 symptômes cognitifs ou neurologiques, ainsi qu’au moins un symptôme de type endocrinien, immunitaire ou du système nerveux autonome (difficulté à rester en position verticale, vertiges, palpitations…)

Face à la multitude des symptômes et au regard de la difficulté à déceler ses causes, comment peut-on diagnostiquer le syndrome de fatigue chronique ? Pour une telle maladie, avec de telles caractéristiques, il convient d’éliminer les nombreuses autres maladies « qui fatiguent » avant de pouvoir identifier le SFC-EM, par exemple la fibromyalgie, l’hypotension, la mononucléose ou encore l’hypothyroïdie. On parle alors de diagnostic exclusif (rien à voir ici avec une analyse de la fidélité dans le couple ou avec une quelconque exclusivité mondiale, vous l’aurez compris !). Ce diagnostic peut être réalisé en milieu hospitalier.

On peut noter certaines avancées encourageantes pour diagnostiquer cette maladie, comme le révèle l’étude réalisée par des membres de l’université de Cornell aux Etats-Unis9, parue dans «Microbiome » et précédemment citée. Cette étude y décrit un diagnostic simple, « non-invasif et précis dans 83 % des cas », afin de dépister le SFC-EM grâce à l’analyse d’échantillons de selles et de sang, par la recherche de marqueurs biologiques (dans les bactéries de l'intestin et des agents inflammatoires microbiens dans le sang).

Le diagnostic de ce syndrome de fatigue chronique peut donc conduire à des explorations « en profondeur » et colorées, c’est le moins que l’on puisse dire ! Mais il a le mérite de faciliter la prévention de cette maladie aux lourdes conséquences pour le quotidien et la santé des malades.

Quels sont les traitements du syndrome de fatigue chronique ?

L’incertitude quant aux causes exactes du SFC-EM fait qu’il n’existe pas de traitement « classique » ou « systématique ». Le médecin est compétent, au cas par cas, pour trouver un traitement correspondant le mieux possible au profil de son patient. En revanche, cette maladie impose au patient une participation active au processus du traitement.

Si aucun traitement spécifique n’a clairement démontré son efficacité, on constate tout de même qu’il est possible de soulager les symptômes afin de réduire la fatigue physique et psychique. Le but est de « responsabiliser » le patient en lui apprenant à maximiser son autonomie afin de garder un niveau d’activité physique et intellectuelle suffisant à son bien-être. Ainsi, de nombreuses approches existent pour permettre de lutter contre la fatigue et les douleurs musculaires, par exemple :

  • hygiène de vie : pratiquer régulièrement une activité physique sur des périodes très courtes (2-3 minutes), surveiller son alimentation (éviter une consommation excessive de sucres rapides qui, une fois assimilés, font « retomber » trop vite l’énergie de l’organisme)
  • éviter le surmenage et le stress au maximum
  • planifier ses activités en fonction de son « pic » de forme (propre à chacun, mais généralement compris entre 10h et 14h)
  • éviter la consommation de caféine et d’alcool
  • assurer un apport en vitamines et en magnésium qui soit suffisant
  • avoir un cycle de sommeil régulier (autant que possible)
  • pratiquer la relaxation ( « Hoomband » peut s’avérer être un très bon allié !), le yoga, la sophrologie, la méditation…
  • participer à des groupes de soutien

En plus de ses mesures comportementales d’autogestion, il est primordiale de traiter certaines pathologies :

  • traiter les troubles du sommeil, notamment l’apnée du sommeil
  • traiter les allergies, en particulier la rhinite
  • surveiller l’équilibre de la flore intestinale : examens, dépistages réguliers
  • soigner régulièrement les foyers infectieux : dents, sinus…

Toutes ses recommandations s’inscrivent dans une logique de suivi médical auprès du médecin, ce dernier aidant le patient à pratiquer une stratégie d’autothérapie afin d’apprendre à anticiper et à s’adapter à ses propres contraintes liées au syndrome de fatigue chronique

En outre, il est également possible de soulager les symptômes du SFC-EM par un traitement médicamenteux, en accord avec son médecin, et avec certains risques d’effets secondaires à prendre en compte :

  • douleurs : analgésiques, paracétamol, aspirine, ibuprofène
  • fatigue : méthylphénidate, modafinil, vitamine B12
  • troubles cognitifs : méthylphénidate, nimopidine, dextroamphétamines

Ses causes exactes sont encore incertaines, mais des progrès ont été réalisés par des études récentes, et ses conséquences lourdes pour le quotidien des malades peuvent en partie être soulagées par diverses approches. Le syndrome de fatigue chronique est une maladie récente à l’échelle de la science, protéiforme, et qui nécessite encore beaucoup d’attention de la part des scientifiques, mais aussi des malades qui doivent apprendre comment mieux vivre avec. Chacun pourra trouver de la motivation et de l’inspiration en se prenant pour un personnage de Pagnol ou de Dostoïevski, héros fatigué ou malade, mais au combien mémorable !

Pour se faire une idée plus précise de ce que représente le SFC-EM, voici l’extrait vidéo d’un documentaire réalisé par Jennifer Brea, posté sur le site « EMaction ». Le film dont est extrait ce passage, « Unrest », est autobiographique et très inspirant, nous montrant ce qu’est la vie avec cette maladie.

Afin d’approfondir, voici un article et une vidéo qui expliquent les progrès réalisés dans l’identification du syndrome de fatigue chronique en tant que maladie biologique, avec une intervention du Dr Mady Hornig, psychiatre américaine et professeure agrégée d'épidémiologie à la « Mailman School of Public Health de l'Université Columbia ».

Sur un ton plus léger et pour illustrer l’approche « planifier ses activités » et « éviter le surmenage », voici un extrait du film “Alexandre le bienheureux”, qui donnera peut-être de l’espoir à tous les fatigués du monde !

Sources :

[1] Syndrome de Fatigue Chronique ou Encéphalomyélite myalgique ?, site « Association Française du Syndrome de fatigue Chronique », 2020 [2] Systematic review and meta-analysis of the prevalence of chronic fatigue syndrome/myalgic encephalomyelitis (CFS/ME), E.J. Lim, Y.C. Ahn et al, « Journal of Translational Medicine », février 2020 [3] Fukuda criteria, site « ME-Pedia », 2020 [4] et [5] Syndrome de fatigue chronique, A. Gonthier, B. Favrat, « Revue Médicale Suisse » (volume 11), 2015 [6] et [9] Reduced diversity and altered composition of the gut microbiome in individuals with myalgic encephalomyelitis/chronic fatigue syndrome, L. Giloteaux, J.K. Gooodrich et al, « Microbiome », 2016 [7] La fatigue en cas de maladies de la dépendance, C. Aichmüller, M. Soyka, « Revue Médicale Suisse », 2015 [8] Abrégé du Consensus Canadien, Dr B.M. Carruthers, M.I. Van de Sand, site « Asso-SFC », 2020

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