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Méditation, sommeil et insomnie : preuve issue de la recherche empirique (2e partie)

Méditation, sommeil et insomnie : preuve issue de la recherche empirique (2e partie)

Deuxième partie : le sommeil et la pratique

Presque à chaque fois que je m’assois sur un coussin de méditation, je sais que je vais devoir faire face à une sorte de lutte. Passer trente minutes à regarder une série télévisée est tellement plus facile que de porter mon attention sur les sensations de la respiration, et de veiller à ce qu’elle y reste ! La première chose avec laquelle je me bats, c’est le fait que mon esprit ne veuille pas vraiment rester focalisé. Il aime vagabonder de-ci, de-là. Lorsque j’essaie de demeurer tranquille, un sentiment d’agitation envahit mon corps et mon esprit. Devenir conscient de cela et entraîner l’esprit à être plus détendu fait partie du travail.

Cependant, un adversaire encore plus insidieux et subtil m’attend dans ma pratique. Je me sens soudainement très somnolent ! Et je ne suis pas le seul à rencontrer ce problème : j’ai entendu des gens ronfler pendant toute une séance de méditation, et vu d’autres s’endormir dans les positions les plus insolites qui soient, tressaillant au réveil dans un mélange de frustration et d’embarras. Les enseignements bouddhistes traditionnels décrivent la surexcitation et la torpeur comme deux obstacles d’égale importance à la pratique de la méditation, tout particulièrement au début. Un pratiquant cherchera donc à contrecarrer ces obstacles en développant et en cultivant un état de « vigilance détendue ». De nombreuses traditions visent à étendre cet état à chaque moment de la vie et certaines, pas seulement des bouddhistes, affirment qu’une telle conscience vigilante peut se prolonger dans le sommeil.

Une diminution de la durée du sommeil et de la somnolence est considérée comme un signe de progrès par les pratiquants de la méditation. Est-ce contradictoire avec l'efficacité prouvée des interventions basées sur la méditation dans le traitement des troubles du sommeil comme l’insomnie ? Peut-être, mais cela dépend de la façon dont nous évaluons la qualité du sommeil, mais aussi de la manière dont nous adaptons les pratiques de la méditation aux contextes cliniques.

Quelques définitions scientifiques utiles

Aborder les troubles du sommeil et la méditation au travers du prisme de la science occidentale nécessite de faire appel aux concepts d’excitation physiologique et de vigilance tonique. En bref, l’excitation décrit l’état d’ « éveil » du système nerveux. Il est régulé par un certain nombre de processus chimiques et physiologiques qui influencent un nombre encore plus grand de fonctions psychophysiologiques, des réponses émotionnelles aux états de conscience (pendant le sommeil, par exemple, le niveau d’excitation est plus bas que lors de l’éveil). Quant à la vigilance tonique, elle peut être considérée comme le niveau général d’excitation appliqué à l’attention. Elle impacte la capacité à maintenir son attention sur une période de temps ainsi que le degré de préparation pour répondre rapidement et efficacement aux stimuli entrants.

Les modèles scientifiques de l’insomnie ont considéré l’état d’hyperexcitation comme une des principales caractéristiques et causes des problèmes de sommeil. Réduire le niveau d’excitation chez les patients est donc un objectif majeur des traitements de l’insomnie. Cela a conduit à mettre l’accent sur l’effet de relaxation procuré par la méditation dans le contexte des interventions cliniques. Néanmoins, comme nous l’avons mentionné précédemment, les pratiques de méditation visent à élever la vigilance tonique tout autant qu’à relaxer. En fait, bien que beaucoup d’études rapportent une qualité de sommeil accrue pour les individus bénéficiant d’interventions basées sur la méditation, une telle amélioration n’est pas nécessairement corrélée avec les mesures classiques de la qualité du sommeil.

La quantité de sommeil n'est pas la même pour les méditants que pour les autres | Sleep Hackademy

Méditation et quantité de sommeil

Considérons le paramètre le plus basique : la quantité de sommeil. Il n’y a pas de preuve scientifique formelle d’après laquelle la durée de sommeil augmente suite à des interventions thérapeutiques basées sur la méditation. Au cours d’une étude sur des patients dépressifs présentant également des signes d’insomnie, non seulement l’intervention n’a pas augmenté la durée de sommeil, mais cette dernière était même plus faible chez les participants ayant médité le plus. En dehors du contexte clinique, il existe des preuves d’une durée de sommeil réduite de 2 heures en moyenne après une retraite de méditation Vipassana (12 heures de pratique quotidienne). Une étude comparant des méditants expérimentés avec des participants témoins de la même tranche d’âge a mis en lumière que les pratiquants dormaient en moyenne une heure de moins que les autres, et qu’ils passaient 30 minutes de plus éveillés durant la nuit. Ces résultats vont dans le sens des textes bouddhistes traditionnels qui rapportent un temps de sommeil moyen de 4 heures par nuit pour les méditants les plus avancés.

Le cerveau des méditants durant le sommeil

Cette contradiction apparente se manifeste encore davantage dans les expériences qui étudient les niveaux d’excitation chez les méditants au cours du sommeil et du réveil en utilisant des techniques d’électrophysiologie. La méthode classique est la polysomnographie, qui consiste à placer des électrodes sur diverses parties du corps afin d’enregistrer l’activité électrique cérébrale, oculaire et cardiaque, avant, pendant et après la période de sommeil. La polysomnographie nous permet de classer différents stades de sommeil en fonction de la prévalence des ondes cérébrales électriques à fréquence rapide ou lente, mais aussi des variations de l’activité cardiaque, ainsi que la présence de mouvements oculaires. Les stades du sommeil vont du sommeil léger (stade 1) au sommeil profond (stade 3), également appelé « sommeil à ondes lentes », lui-même suivi du stade de sommeil paradoxal (ou « REM » en anglais, pour « rapid eye movements », en raison des mouvements oculaires caractéristiques de ce stade). Le sommeil paradoxal est appelé ainsi parce que le cerveau présente alors un état d’éveil alors que le corps reste, lui, comme paralysé. Ces quatre stades constituent un cycle de sommeil, et nous passons par plusieurs cycles chaque nuit. Sur la base de cette classification, on peut imaginer que le niveau d’excitation physiologique diminue de l’étape 1 à l’étape 3, le sommeil paradoxal étant une exception.

Grâce à la polysomnographie, nous pouvons quantifier le temps passé à chaque stade du sommeil. Nous pouvons aussi mesurer le temps nécessaire à l’endormissement, de même que le temps passé éveillé pendant la nuit, ou encore la quantité de micro éveils. Il est également possible de mesurer la puissance des ondes cérébrales à basses et à rapides fréquences à n’importe quel stade du sommeil. Le stade 3, par exemple, se caractérise par une puissance accrue des ondes à fréquence lente. Cela ne signifie pas pour autant que le cerveau arrête son activité à haute fréquence à ce moment-là ; c’est juste que les ondes lentes deviennent prédominantes par rapport aux ondes rapides. Comme nous pourrons le constater, il s’agit d’une mesure importante du fait que l’activité cérébrale à haute fréquence est associée à un niveau d’excitation plus élevé. En des termes simples, les ondes à haute fréquence reflètent le traitement cérébral de stimuli à évolution rapide (comme le traitement visuel et auditif conscient durant le réveil), tandis que l’activité à fréquence lente implique des processus plus lents (tels que la respiration et d’autres activités corporelles, ou des changements lents dans l’environnement).

L’usage de la polysomnographie sur des méditants expérimentés a mis en évidence un allongement du sommeil de stade 1, une diminution du temps de sommeil profond, et même des signatures d’activité cérébrale éveillée au cours du sommeil non-paradoxal. Des éveils plus fréquents pendant la nuit ainsi qu’un temps de sommeil profond réduit ont également été constatés chez des patients dépressifs après une intervention basée sur la méditation (dans la même étude précédemment mentionnée). Une étude effectuée sur des méditants expérimentés a révélé que, pendant le sommeil non-paradoxal, la puissance des ondes à haute fréquence était plus élevée chez eux par rapport à celle d’un groupe de participants de contrôle. Et la puissance des ondes à haute fréquence était directement liée à la quantité de pratique dans la vie de chacun des méditants.

Donner un sens à des preuves contradictoires

Ces résultats indiquent que la pratique de la méditation augmente l’excitation physiologique durant le sommeil. Cette observation va à l’encontre de la conception habituelle selon laquelle la méditation ne serait que relaxation et semble contredire les études démontrant l’efficacité des interventions basées sur la méditation pour le traitement des troubles du sommeil (il est important de noter que de nombreuses études ont décrit le même phénomène d’augmentation de l’activité cérébrale à haute fréquence chez les patients souffrant d’insomnie). Cependant, toutes ces études se rejoignent sur la question de l’amélioration de la qualité du sommeil chez les patients et les pratiquants de la méditation. Et, plus intéressant encore, une telle augmentation de l’excitation physiologique a été associée à une diminution des symptômes de dépression chez les patients.

Comment donner un sens à ces résultats divergents ? D’une part, ils représentent une confirmation empirique des préceptes bouddhistes traditionnels qui invitent à cultiver une « vigilance calme » (équilibre entre relaxation et vigilance) au travers d’un entraînement à la méditation. D’autre part, ces résultats mettent en évidence les limites des approches scientifiques occidentales appliquées aux conditions psychophysiologiques telles que l’insomnie. En effet, ces études nous montrent comment un état d’excitation peut coexister avec un sentiment de relaxation et une meilleure qualité de sommeil. Plus important encore à mon sens, elles montrent que les états physiologiques ne sont pas aisément corrélés avec l’expérience subjective des individus, et que la relation entre les états physiques et les conditions psychologiques est plus complexe que nous le pensons.

Sources :

Britton, W. B., Haynes, P. L., Fridel, K. W., & Bootzin, R. R. (2010). Polysomnographic and Subjective Profiles of Sleep Continuity Before and After Mindfulness-Based Cognitive Therapy in Partially Remitted Depression, "Psychosomatic Medicine" 72(6), 539–548. Britton, W. B., Lindahl, J. R., Cahn, B. R., Davis, J. H., & Goldman, R. E. (2014). Awakening is not a metaphor: The effects of Buddhist meditation practices on basic wakefulness, "Annals of the New York Academy of Sciences", 1307(1), 64–81. Ferrarelli, F., Smith, R., Dentico, D., Riedner, B. A., Zennig, C., Benca, R. M., Lutz, A., Davidson, R. J., & Tononi, G. (2013). Experienced Mindfulness Meditators Exhibit Higher Parietal-Occipital EEG Gamma Activity during NREM Sleep, "PLoS ONE", 8(8), e73417. Goldstein, M. R., Turner, A. D., Dawson, S. C., Segal, Z. V., Shapiro, S. L., Wyatt, J. K., Manber, R., Sholtes, D., & Ong, J. C. (2019). Increased high-frequency NREM EEG power associated with mindfulness-based interventions for chronic insomnia: Preliminary findings from spectral analysis, "Journal of Psychosomatic Research", 120, 12–19.

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